Peut on dire d’un poêle de masse qu’il fait 3kW? quelle puissance délivre t-il, sous quelle forme? Un poêle de masse peut il chauffer un étage?
Pour tenter d’y voir un peu plus clair au sujet de ce curieux outil de chauffage, nous allons nous livrer à quelques calculs simples . Nous allons partir des relevés effectués par plusieurs détenteurs de PdM, j’ai nommé Pyren, Xelyx et PolarBear que vous pouvez retrouver sur le fil « construction réaliste d’un poêle de masse » du forum futura science, sur le site de xelyx ou chez pyromasse.
Voici à quoi ressemblent les courbes de température de surface chez PolarBear, l’instant t0 correspond au moment ou l’on craque l’allumette.
Comme on le voit, la température est variable dans le temps, ce qui laisse présager que la puissance délivrée va l’être aussi.
Chaque face du poêle a une température qui lui est propre, dans un souci de clarté et de simplification, nous nous en tiendrons ici à une courbe pour chaque poêle, choisies arbitrairement parmi quelques dizaines. Mais avant d’en arriver là, nous allons brièvement mettre en évidence quelques principes des échanges thermiques, en étudiant le rayonnement et la convection d’une surface de 1 m².
Cet article n’à pas la prétention de décrire dans le détail les transferts thermiques, mais de faire découvrir la base des principes en action dans le contexte du poêle de masse.
1. Rayonnement :
Tous les corps rayonnent, vous, une brique, le soleil, un glaçon etc. L’éxitance quantifie la densité de ce rayonnement.
Exitance du corps gris
MT=ε. σ.T4
avec MT exitance en W.m-2
ε facteur d’emissivité, varie de 0 à 1 en fonction du matériaux et de l’état de surface
σ constante de Stefan-Boltzmann (5,6704 × 10-8 kg s-3 K-4)T température en Kelvin (°K)
Voici ce que ça donne graphiquement, la plage de température correspond aux extrême que l’on peut trouver dans un PdM.
La combustion peut localement atteindre 1400°K, mais les températures de surface d’un poêle se situent plutôt dans une fourchette de 20 à 80°C, avec des exceptions jusqu’à 120°C.
On constate l’importance de l’emissivité ε. Ainsi une surface en calcaire (ε=0.95) rayonnera 12.7 foi plus intensément qu’une surface en acier inoxydable polie (ε=0.075). Dans la pratique les matériaux utilisés pour un PdM se situe dans une fourchette d’émissivité de 0.8 à 0.95. source
En multipliant l’exitance MT par la surface du poêle, on obtient le flux
Chaque face d’un poêle de masse émet un rayonnement, mais elle reçoit aussi celui de la pièce qui l’entour. En admettant que la pièce fait enceinte autour du poêle et que la surface du poêle est très inférieure à celle des parois de la pièce, le flux net échangé par rayonnement entre le poêle et la pièce qui l’entoure s’écrit:
φ=σ.ε.S.(Tp4-Tm4)
avec φ flux net en Watt
ε facteur d’émissivité de la surface du poêle
σ constante de Stefan-Boltzmann (5,6704 × 10-8 kg s-3 K-4)
Tp température du poêle en Kelvin (°K) Tm température moyenne des parois de la pièce (°K)
Ce qui graphiquement nous donne, pour une température de surface moyenne Tm=18°C ,un facteur d’émissivité du poêle de 0.9 et une surface de S=1m² , une puissance fournie à la pièce en fonction de la température moyenne de surface du poêle Tp:
La progression de l’intensité du flux net de rayonnement suit donc une progression quasiment linéaire sur l’intervalle de température qui nous intéresse. Cette surface rayonne une puissance de 130W/m² quand sa température est de 40°C, 260W/m² à 60°C, 520W/m² pour 90°C.
2. convection :
L’air en contact avec la face externe du poêle se réchauffe, sa densité diminue se qui entraine sont élévation et ainsi son remplacement par un air plus frais, il se forme un renouvellement incessant de l »air au abords du poêle, c’est la convection naturelle.
Le flux de chaleur convectif s’écrit:
φ=h.S.ΔT
avec φ flux en W
h coefficient de transfert W m-2°C-1
S surface en m2 ΔT différence de température °C ou °K
On connait la surface du poêle, la différence de température entre l’air et la paroi, une autre formule intervient pour déterminer le h, coefficient de transfert.
pour une surface verticale avec une hauteur utile supérieure à 30cm :
h=1.78*ΔT1/4
avec ΔT différence de température °C ou °K
h coefficient de transfert W m-2°C-1
ce qui nous donne graphiquement :
3. Conduction:
un poêle de masse touche le sol, il doit donc s’y produire un transfert thermique, malheureusement le calcul est difficile à réaliser, et je ne dispose d’aucune mesure en profondeur. pour cette article on se contentera de supposer que la conduction n’a qu’une incidence minime, pour peu que l’on construise son poêle sur du béton cellulaire.
4. Premier bilan:
En additionnant ces courbes on obtient la puissance totale délivrée par une surface de 1m²
A partir de la on peut comparer l’efficacité des deux principaux modes de transfert.
Il faut monter à 450°C pour que le rayonnement représente 80% de la puissance totale, la plage de température qui nous intéresse nous indique une part de 60%, ce qui est déjà pas si mal. Le pic a 100% du début de courbe est du à une différence de température entre l’air et les parois de la pièce, le rayonnement démarre avant la convection.
Si la température moyenne de la pièce varie, les transferts thermique en sont affectés.
Plus la surface devient chaude et moins la variation de la température moyenne a d’importance. Ainsi, si le poêle a une température moyenne de surface de 30°C, une baisse de 2°C de la température moyenne de la pièce ( de 21°C à 19°C) entraine une augmentation de la puissance restituée de 23% (de 77 à 95W/m²). Pour un poêle à 80°C en moyenne en surface, la même diminution de la température de la pièce provoque une augmentation de la puissance restituée de seulement 2% (de 1392 à 1416W/m²). Un PdM ajustera donc mieux sa puissance aux besoin de la maison s’il est conçu pour fonctionner avec de faibles températures de surface.
5.application d’une courbe réelle de température:
Maintenant que l’on maitrise les principes qui régissent la convection et le rayonnement, on va pouvoir regarder comment un pdm diffuse sa chaleur dans le temps. Pour ce faire nous allons appliquer les calculs précédents à des courbes de température piochées sur plusieurs PdM, ceux de Pyren, PolarBear et Xelyx.
Voici les courbes brutes:
Les comportements de ces trois PdM sont complètement différents, celui de Pyren est un simple peau, le pic de chaleur n’est déphasé que de 4 heures après allumage, 6 heures chez PB et 9 heures chez Xelyx, preuve que la structure interne et le choix des matériaux ont une grande influence sur la restitution de l’énergie. Mais ce n’est pas le sujet de cet article, nous allons nous contenter maintenant de quantifier ce qui sort d’une surface de brique en fonction de sa température. Voici les courbes de puissance pour un mètre carré, la taille du poêle n’est donc pas pris en compte dans ce graphique:
Comme on pouvait s’y attendre la courbe de puissance ressemble énormément à la courbe de température. On peut aussi constater que la puissance est loin d’être homogène dans le temps, elle varie de 300 à 800W/m² pour la courbe type Pyren. Le déphasage varie de 4 heures pour Pyren à 10 heures pour Xelyx!. Le poêle de Pyren est le plus réactif, il démarre vite, en contre-partie il se décharge vite, au point qu’il faut y faire deux flambées par jour.Celui de Xelyx est très inertiel, il lisse le pic de puissance et l’étale dans le temps.
6 : la surface entre en jeux
Il suffit maintenant de multiplier ces valeurs par la surface de leurs poêles respectifs pour avoir une estimation du flux net échangé dans chaque cas:
Pyren | 6m² |
PolarBear | 10 m² |
Xelyx | 8m² |
La surface horizontale en sommet de poêle n’est pas prise en compte puisqu’elle est isolée et baigne dans un courant d’air chaud remontant des cotés du poêle. On suppose donc les échanges nuls à cet endroit.
Sur ce graph apparaissent aussi les puissances moyennes restituées par chaque poêle, 3.3kW pour celui de Pyren, 3.7kW pour celui de Xelyx et 4.4kW pour celui de PolarBear. On voit bien aussi que cette puissance moyenne n’a pas grand intérêt appliquée au PdM, puisque cette notion masque des variations qui peuvent être très importantes.
En retournant ces équations, on peut déterminer la surface d’un poêle en fonction des besoins de puissance de la maison et de la température maximale désirée:
Même un petit poêle peu fournir une puissance importante, 7kW pour une surface de seulement 4m² à 113°c en moyenne, c’est déjà trés conséquent. Il est donc possible de fabriquer des poêles de forte puissance, sans pour autant en faire des monstres de 18T.
7. Influence de la porte:
Comme ces poêles disposent tous d’une porte vitrée et que, bien que la surface soit faible, les température y sont très élevées, on va calculer à part ces flux convectif et rayonné en considérant une porte de 40*40cm soit une surface Sv=0.16m². Les températures de vitre ont été relevées avec un thermomètre de contact par Ririmason et avec un thermoIR par PolarBear, nous utiliserons les mêmes courbes pour chaque poele.
Les températures de surface des poêles en eux même sont beaucoup plus faibles que celles de la porte vitrée, mais comme nous l’avons vu au début de cet article, plus la différence de température est importante, plus le flux est fort,ce qui explique que, malgré sa surface réduite par rapport aux corps du poêle, la porte vitrée a une influence significative sur la puissance totale.
Une porte de 40*40cm engendre un pic de puissance de 1000W pendant la flambée, dont 700W dans une seule direction, en face de la porte, ce qui fait largement de quoi transpirer devant son PdM, et offre une agréable réactivité. Au bout de trois heures, la puissance tombe à 300W pour finir à 40W à 24 heures, la porte n’a donc de réelle influence que pendant les deux heures de la flambée. La chute de puissance à la quatorzième heure est due au pré-chargement du bois de la prochaine flambée dans la boite à feu.
8. Bilan :
Voici donc, pour ces 3 poêles de masse, le bilan des différents modes de transfert thermique:
Et le bilan des puissances moyennes sur 24 heures, vitre comprise:
PolarBear | 4570W |
Pyren | 3570W |
Xelyx | 3900W |
Comme vous pouvez le constater, le comportement de ces trois PdM est sensiblement différent, mais il est une chose qui les relie,:
ils sont tous à 60% de rayonnement, avec un pic à 64% pendant la flambée.
En intégrant ces courbes de puissances (donc instantanées), on déduit la quantité d’énergie, la chaleur, fournie à la pièce par chaque poêle.
Malgré ça petite taille le PdM de Pyren délivre sur 24 heures, quasiment autant d’énergie que celui de Xelyx, mais avec de fortes variations de puissance et deux flambée par jour.
C’est à vous de voir quel type de poêle vous convient le mieux, le mieux adapté à votre maison et à vos habitudes. Ainsi on peut imaginer dans une maison avec des apports solaire significatifs, un poêle qui se décharge rapidement pendant la nuit, type pyren, pour pouvoir profiter de la chaleur du soleil sans risquer la surchauffe en milieu de journée, quitte à refaire une flambée le matin si la journée promet d’être sombre. Dans une bâtisse mal orientée avec de petites fenêtres, et une isolation intérieure, on préférera un courbe type Xelyx très lissée avec un puissance quasiment constante. Dans une réno non isolée, donc grosse inertie et grosses déperditions, c’est un poêle du type PB qui conviendra le mieux. Ce sera sans doute l’objet d’un prochain article.
Pour conclure :
Cette page est une énorme simplification du problème, plus destinée à comprendre les bases des transferts qu’à décrire fidèlement la réalité. Les transferts thermiques sont des phénomènes complexes qui nous imposent de rester humbles. Les réponses proposées ici sont donc à relativiser. Un article plus pointu est en préparation, merci de votre patience.
Cependant les réponses suivantes semblent donner une bonne appréciation de la réalité, et pourront sans doute aider à mieux appréhender les limites d’un poêle de masse.
quelle puissance délivre un poêle de masse? Peut on dire qu’il fait 3kW? un poêle de masse délivre un puissance variable dans le temps (2 à 5kW chez Pyren), mais on peut parler de puissance moyenne sur 24 heures (3,5kW chez Pyren)
sous quelle forme? 60% de l’énergie est transmise sous forme de rayonnement, 40% en convection.
Un poêle de masse peut il chauffer un étage? avec 40% de la puissance sous forme convective, et en favorisant les mouvement naturels de l’air, on peut chauffer un étage. Pour pouvoir en chauffer deux il faudra envisager de baisser la part d’énergie rayonnée par le poêle, en choisissant par exemple des matériaux à faible coefficient d’émissivité.
Bibliographie
cours de thermique de Philippe ROUX
Rayonnement thermique des matériaux opaques – A1520 – Magdeleine HUETZ-AUBERT – Techniques de l’ingénieur
transferts de chaleur – J1080 – René LELEU – Techniques de l’ingénieur
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